Recommandations pour les entreprises victimes de cybersquatting ou typosquatting


Si une entreprise ou toute autre personne morale ou physique se considère victime de cybersquatting ou de toute autre atteinte à ses droits par le titulaire d'un ou plusieurs noms de domaine, différentes solutions peuvent être envisagées en fonction de chaque situation et de la volonté ou non d'obtenir des dommages & intérêts.

Si l'obtention de dommages et intérêts n'est pas une priorité ou n'est pas envisageable du fait du pays de résidence du titulaire du nom de domaine, une procédure amiable peut être envisagée. Cette solution pragmatique est courante dans les pays anglo-saxons, mais assez rare pour les grandes entreprises françaises, lesquelles sont le plus souvent intransigeantes par rapport au respect des marques.

La demande d'annulation du nom de domaine auprès du bureau d'enregistrement est la formalité à effectuer en premier lieu, puisqu'elle est simple, gratuite et rapide. Si celle-ci échoue, la procédure extrajudiciaire de réglement des conflits pour les noms de domaine permettra de récupérer le noms ou les noms de domaine litigieux.

Les actions en justice, en général pour délit de contrefaçon contre le titulaire d'un nom de domaine, se conclueront systématiquement par des décisions favorables s'il s'agit d'un cas manifeste de cybersquatting. Toutefois, les décisions de justice prononcées en France ne sont systématiquement appliquées que si le défendeur est également une personne physique ou morale située en France. Très souvent, et le cas de France2.com & France3.com en est un exemple emblématique, les Tribunaux français ont statué contre un défendeur situé à l'étranger, sans que ceci n'ait le moindre effet exécutoire.

Synthèse des poursuites à envisager selon les cas de cybersquatting ou de typosquatting

Nature du litige Action à privilégier
1er cas : Cybersquatting * manifeste par le titulaire en France d'une page de parking Action en justice pour contrefaçon
Commentaire : Le service de parking pourra également être poursuivi pour concurrence déloyale si la page de parking contient des liens qui pointent vers des concurrents **

2ème cas : Cybersquatting manifeste par le titulaire à l'étranger d'une page de parking Résolution extrajudiciaire *** - Demande d'annulation du domaine auprès du bureau d'enregistrement, puis résolution extrajudiciaire si la démarche n'aboutit pas
Commentaire : les Tribunaux français peuvent être saisis, mais leurs décisions n'auront en principe pas d'effet exécutoire.

3ème cas : Cybersquatting manifeste par un titulaire à l'identité inconnue d'une page de parking Demande d'annulation du domaine auprès du bureau d'enregistrement, puis résolution extrajudiciaire si la démarche n'aboutit pas
Commentaire : Le bureau d'enregistrement aura la possibilité d'effacer le nom de domaine si l'identité de son titulaire est inexacte, ce qui est très courant dans les cas de cybersquatting.

3ème cas : Cybersquatting manifeste par un titulaire à l'identité inconnue d'une page de parking Demande d'annulation du domaine auprès du bureau d'enregistrement, puis résolution extrajudiciaire si la démarche n'aboutit pas
Commentaire : Le bureau d'enregistrement aura la possibilité d'effacer le nom de domaine si l'identité de son titulaire est inexacte, ce qui est très courant dans les cas de cybersquatting.

4ème cas : Cybersquatting manifeste avec un nom de domaine affichant une page blanche Demande d'annulation du domaine auprès du bureau d'enregistrement, puis résolution extrajudiciaire si la démarche n'aboutit pas
Commentaire : Les tribunaux français ne peuvent être saisis que s'il y a usage du nom de domaine.

5ème cas : Cybersquatting manifeste par le titulaire en France d'un site internet visant à induire en erreur les internautes Action en justice pour contrefaçon et concurrence déloyale

6ème cas : Cybersquatting manifeste par le titulaire à l'étranger d'un site internet visant à induire en erreur les internautes Résolution extrajudiciaire
Commentaire : En cas de site induisant en erreur les internautes, il est possible de saisir la justice du pays de résidence du titulaire du domaine.

7ème cas : Exploitation par un titulaire en France d'un site internet en conflit avec une marque déposée Action en justice pour contrefaçon et/ou concurrence déloyale
Commentaire : Le titulaire d'une marque n'est protégé que dans la classe d'activité qui le concerne et les classes proches, sauf s'il s'agit d'une marque notoire. Un site internet développé avant le dépôt d'une marque est opposable à celle-ci.

8ème cas : Exploitation par un titulaire à l'étranger d'un site internet en conflit avec une marque déposée Résolution extrajudiciaire
Commentaire : Le titulaire d'une marque n'est protégé que dans la classe d'activité qui le concerne et les classes proches, sauf s'il s'agit d'une marque notoire. Un site internet développé avant le dépôt d'une marque est opposable à celle-ci.

* Seul le terme cybersquatting apparaît dans le tableau, mais la problématique est la même pour le typosquatting.

** Comme suite à de nombreuses condamnations judiciaires, la société Sedo a décidé de ne plus proposer de service de parking adapté aux noms de domaine en France. Les autres services de parking n'étant pas représentés en France, les poursuites judiciaires contre la société de parking n'auront en principe aucun effet.

*** Procédure UDRP pour les extensions génériques, PARL pour le .fr, ADR pour le .eu, etc.


Les particularités des décisions rendues par les tribunaux français


En ce qui concerne le cybersquatting et le typosquatting, le droit français est particulièrement protecteur. Les tribunaux français ont une large tendance à privilégier les détenteurs de marque par rapport aux titulaires de noms de domaine, en dépit des positions de la jurisprudence internationale des noms de domaine.

Une vision étendue du cybersquatting

Par exemple, le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 13 mars 2000 concernant la joueuse de tennis Amélie Mauresmo a en effet établi qu'un nom de domaine peut être protégé contre toute appropriation indue de la part d’un tiers, dès lors que celui-ci cherche à créer la confusion dans l’esprit du public. Le juge français considère que le simple fait d'enregistrer un nom de domaine est de nature à entretenir cette confusion, alors que la jurisprudence internationale tolère les sites de fan ou d'information, qu'il s'agisse de célébrités ou de personnages publics tels que les hommes politiques.

Une tendance à la surprotection des grands groupes...

Les titulaires de noms de domaine n'hésitent pas à employer le terme de "reverse hijacking" qui caractérise les procédures abusives de récupération de noms de domaine par de grandes sociétés, en dépit des règles fondamentales du droit. Par exemple, les décisions répétées des tribunaux français d'ordonner le transfert du nom de domaine PagesJaunes.com au profit du groupe français PagesJaunes, anciennement propriété de France Télécom, ne manquent pas de surprendre. Quelle est la légitimité de la société française PagesJaunes sur un nom de domaine purement générique, enregistré trois ans avant pagesjaunes.fr par une société américaine, alors même que le terme Pages Jaunes est utilisé dans tous les pays francophones comme un synonyme du mot "annuaire ? Fort heureusement, les tribunaux français n'ont pour l'instant pas réussi à faire appliquer leur décision aux Etats-Unis, et le nom de domaine reste pour l'instant la propriété de la société Xentral.

... mais un effet exécutoire essentiellement limité au territoire français

Les conditions pour qu'une décision de justice dans un pays donné soit appliquée dans un autre pays sont en effet particulièrement restrictives. Nombre de cybersquatteurs professionnels prennent ainsi des mesures pour n'être en pratique jamais inquiétés par la justice. Dans ce cas, seule la procédure UDRP sera efficace, mais elle ne pourra donner lieu au versement de dommages & intérêts.